Nicole Vivek 11/16
- Il ne le portait pas quand on s'est connu. "
Mais
la légende dit vrai, j'ai la respiration toute déréglée à cause de mon
bavardage. A côté, Séleste ne semble pas souffrir du manque d'air. Son visage
ne rougit pas, ne transpire pas. A la voir ainsi, on dirait qu'elle fait une
gentille petite balade de santé. Mais je
poursuis de plus belle, narguant la naissance d'une crampe :
-
" Et toi, ta semaine ?
- Pas
grand chose à dire... C'était plutôt pépère... trop à mon goût. Alors rien de
mieux qu'une soirée entre amis pour se lâcher un peu. Dis, t’aurais pas envie
de te joindre à nous, ce soir ?
- Je
ne crois pas...
- Oh,
arrête ! Je suis sûre que tu n'as rien de prévu. Je te présenterai deux ou
trois amis, des gens bien.
- Je
ne dis pas, mais...
- Je
ne t’oblige pas Nicole, tu sais. Probablement qu'on ira juste boire un verre
chez mon frère. Il tient un pub près de la Bastille. Bar la journée, et boîte
la nuit, c'est plutôt sympa.
-
J'aime pas trop faire l'incruste...
- Qui
te parle de t'incruster ? Tu seras mon invité... et mes invités sont toujours
bien servis. "
J'hésite,
mais ça me tente.
-
" Écoute, pourquoi pas ? "
On
arrive à proximité du parking. Mais comme deux papis sont assis sur le banc,
c'est contre ma voiture que l’on s’appuie pour s’étirer. L'effort m'a
complètement achevée. J'ai du mal à reprendre mon souffle, et c'est en haletant
que je demande à Séleste :
-
" Comment s'appelle le bar de ton frère ?
- Le
Jammy. En fait, il appartient à la famille depuis pas mal de génération.
C'était notre oncle qui s'en occupait avant et il a pris sa retraite seulement
lorsqu’il a su que Roddy voulait prendre la relève. Il aurait préféré le faire
détruire plutôt que le vendre...
- Et
t'as préféré laisser la place à ton frère alors ?
- Oh,
si j'avais voulu, j'aurais pu gérer le bar avec lui. Mais ce n’est pas mon
truc... La restauration, la comptabilité, tout ça c’est pas pour moi. Moi, je
préfère qu'on me serve plutôt que de servir.
-
T'as pas tort ! "
Le
silence s'installe, le temps de s‘étirer convenablement. Et puis Séleste me
lance un coup d'épaule et fait mine de partir :
-
" Alors Nicole, on dit vers neuf heures au Jammy ? T'auras pas trop de mal
à trouver, c'est à deux pas de l'opéra, dans la rue Saint Marc.
- Ok,
j'y serai. A ce soir alors !
- A
ce soir ! "
Je
n’ai pas l'habitude de conduire au cœur de Paris, mais je me défends. Et j'ai à peine repéré le Jammy que, deux cent mètres
plus loin, une voiture garée s'insère dans le trafic et me laisse une jolie
place bien large pour ma petite Twingo. Si la soirée continue comme ça, c'est
prometteur ! Le quartier vibre de lumière et de mouvement humain. Des tas de
gens flânent, rentrent et sortent des boutiques encore ouvertes, les plus
élégants se dirigent vers l'opéra. Les trottoirs sont tellement étroits qu'on
marche en file indienne, c'est marrant. On sent que le quartier se réveille.
Tout semble au ralenti, et en même temps, l'éclairage public crée une énergie
toute particulière.