Nicole Vivek 8/16
Je te verrais bien dans le monde artistique...
- Je
suis à mille lieues de ça. Je suis notaire, et le seul art que j'exerce est celui
de la signature.
-
Notaire ? Ben ça alors ! Je n’aurais jamais cru qu'une jeune et jolie femme
pouvait faire ça. On imagine plutôt ça comme un vieux monsieur grincheux...
- Ça, c'est au cinéma. Ce sont des clichés pas très
sympas pour la profession. J'ai trois collègues femmes, et un patron, peut-être
pas tout jeune, mais plutôt sympa. J'ai dîné chez lui il y a quelques semaines,
et dans la vie, c'est un sacré bon vivant. Je ne dis pas que ce que je fais me
passionne énormément, mais il y a de bons côtés. Et toi ? Tu fais quoi, à part
porter des dossiers ?
-
Très drôle ! Je suis secrétaire dans une maison d'édition. Charlie-Lo ? Tu
connais ? C'est une boîte spécialisée dans les bouquins universitaires.
- Ça te plaît ?
-
Beaucoup. J'ai toujours voulu faire ça, les gens sont sympas, des tas de livres
me passent entre les mains. C'est vrai que quand on dit universitaire, on pense
à des livres un peu rasants, mais quand on est curieux comme je le suis, c'est
génial !
-
J'imagine que tu dois avoir une culture générale impressionnante...
-
Pour les sujets qui m'intéressent, qui me scotchent vraiment, ouais, c'est vrai
que je retiens facilement. Mais autrement, ça rentre et ça ressort aussitôt.
J'ai une mémoire plutôt sélective.
- Ça doit être chouette de prendre son pied au boulot.
- Tu
connais pas ça, toi ? Ce n’est pas par vocation que t'es devenue notaire ?
- Tu
sais, je me suis lancée dans le droit comme j'aurais pu aller en médecine ou en
lettres. Et si tu veux tout savoir, j'ai choisi la voix notariale par pur
hasard. La veille de la remise des dossiers, je me souviens que j'avais établi
une liste des différentes carrières possibles, je les avais numérotées. Il y en
avait six. Six, c'était parfait, parce que j'ai déniché un dé, je l'ai lancé
avec une grande inspiration, il s'est arrêté sur le deux. Deux, c'était
notaire... "
De
dire ça, ça me fout un cafard pas possible. Je n'avais jamais repensé à ce
moment. Ce n'est pas vraiment une anecdote facile à raconter, je n’en tire pas
beaucoup de fierté. Mais Séleste n'est pas n'importe qui. Je me rends compte
que je regarde bêtement mes pieds, je dois avoir l'air bête. Séleste me donne
un gentil coup d'épaule :
-
" Waouh ! Je n'ai jamais fait ça, moi. Tout miser sur la hasard... Moi qui
me prend la tête pour un oui ou pour un non, je devrais peut-être laisser le
hasard décider à ma place parfois. Ça m'éviterait
pas mal de migraine !
-
Oui, mais tu sais, je suis pas sûre d'être tombée sur le bon numéro.
-
T'as des regrets ? "
Mais
pourquoi je lui dis tout ça ? Qu'est-ce
qu'elle cherche à me faire dire ? On est assise l'une à côté de l'autre, on se
parle sans se faire face. J'ai presque l'impression d'être à une séance de psy.
Les questions sont choisies de telle manière qu'elles évacuent pas mal de choses
qui trottent dans ma petite tête. Est-ce que Séleste est consciente de ce
qu'elle provoque en moi ? Mais au fond, il n'y a pas d'effet malsain, je me
sens au contraire plutôt soulagée de pouvoir parler avec autant de liberté.
Séleste ne me connaît pas assez pour me juger. Elle est d'ailleurs assez
conciliante. Ce que je dis ne semble pas la choquer. Pourquoi pas continuer ?
-
J'ai toujours voulu être danseuse.
-
Danseuse ? Ah, tu vois ! Quand je disais que je te voyais dans le monde
artistique ! Danseuse de quoi ?
-
Danseuse de quoi ?
- Ben
oui ! Classique, moderne, danse de salon, danse sportive, qu'est-ce qu'il y a
d'autre... hip-hop, flamenco...